Le 18 avril 2018, Arnaud Beltrame aurait eu 45 ans. En ce jour anniversaire, le Père Augustin-Marie Aubry tient à le remercier.
Mon Colonel,
Je vous écris pour vous remercier : vous remercier d’avoir sauvé Julie, une mère de famille ; vous remercier d’être allé jusqu’au bout de votre mission, défendre et protéger ; vous remercier d’avoir rappelé, par votre action héroïque, que le service oblige et que la mort est parfois le prix de la fidélité.
Vous êtes mort en combattant, non en victime. Vous êtes mort en soldat et en officier, non en proie facile à rançonner. Vous avez estimé que face à un djihadiste, semant la mort et la désirant, il fallait, non une hôtesse de caisse, mais un homme sachant se battre. Un contre un, d’homme à homme, comme un tournoi du passé. Gendarme et chevalier tout à la fois, vous avez marché au feu, au danger, au combat. Il était armé, vous ne l’étiez pas. Pensiez-vous avoir une chance de le maîtriser ? Il fallait saisir l’occasion, vous avez tenté le tout pour le tout. À mains nues, contre un flingue et un poignard. Courage énorme ! Était-ce imprudence de votre part ? Non, car votre métier vous avait appris les situations hors normes, où le chef, tout bien considéré, prend ses responsabilités (sans penser que son acte est le seul ou le meilleur possible). Non, car la vraie prudence ne rend pas pusillanime, elle sait accueillir l’inspiration venue d’en haut, qui porte à des actes qui nous dépassent. Vous avez décidé d’accomplir la mission sans réserve, défendre la patrie et vos compatriotes contre l’agresseur. Entre les Français, que votre métier vous faisait devoir de protéger, et l’ennemi, vous avez fait rempart. Le rempart a pris les coups : coups de feu, coups de couteau. Vous avez porté à son sommet le sens du sacrifice, quand celui-ci implique le don de sa propre vie.
Le 23 mars 2018, le soldat de l’État islamique a perdu. Celui qui voulait répandre la terreur vous a rencontré. Lui voulait faire peur, mais vous, vous n’avez pas eu peur de sa barbe et de son couteau. Vous n’avez pas eu peur de son pistolet et de ses explosifs. Vous n’avez pas eu peur de ses imprécations contre un pays, le nôtre, qui l’a nourri depuis l’enfance. Vous n’avez pas eu peur de ses protestations de fidélité à cet État islamique, qui l’a conduit jusqu’à la mort. Dans le combat au corps à corps, vous avez succombé. Dans le face-à-face, vous l’avez emporté, car un terroriste qui ne fait plus peur, à quoi sert-il ? C’est un pitre grimé, un clown triste… À l’issue de ce duel mortel, recevez, mon colonel, le salaire du courage et du sacrifice !
Votre dernier mot fut un ordre : « Assaut ! » Vous appeliez vos camarades du GIGN pour qu’ils éliminent le terroriste. Mais cet ordre résonne plus loin que le Super U, plus loin que Trèbes. Il s’adresse au pays tout entier, comme pour dire : « Français, j’ai fait ma part du travail, à vous de jouer ! »